Magie expérimentale : Les Bébés et la Magie (1ère partie)
Depuis de nombreuses années, je me consacre à la magie pour les tout petits. Plus exactement à la recherche de l’importance de l’émotion magique pour le développement des bébés et des très jeunes enfants.
Je dois dire que dans le domaine de la magie pour enfants, on ne peut pas vraiment parler d’émotion magique. Les spectacles proposés sont pour la plupart du temps, des animations participatives, plutôt que de réels spectacles de magie. C’est très efficace sans doute, très ludique… mais c’est surtout pour le chercheur que je suis, extrêmement frustrant. Comme si un pianiste virtuose était condamné à ne jouer que des comptines de 3 notes sur son Steinway.
Les enfants aiment participer, c’est un fait, mais ce n’est pas une finalité. Car alors, quid de la Magie et de l’émotion qu’elle doit provoquer ?
La plupart des « illusions » proposées par les marchands de trucs ne sont en fait que des supports à animation. Avec parfois une petite dimension magique, qui se révèle très vite d’ailleurs n’être qu’un puzzle que les enfants vont essayer de remonter comme une vieille montre usée jusqu’au dernier ressort.
La Magie est un art qui doit nous permettre d’aller beaucoup plus loin dans la stimulation de l’imaginaire. Ou pour être exact, de solliciter l’imagination des enfants. On ne doit pas rester au stade primaire de l’effet plus ou moins incompréhensible. Celui-ci ne résiste en général que quelques minutes après sa présentation à la logique imparable des enfants.
L’artiste n’est pas un animateur de colonie de vacances dont le but est « d’occuper » les enfants pendant que les parents prennent un peu de repos. Combien ai-je entendu de mes « futurs clients » me sollicitant par ces mots : « Je cherche un petit spectacle de magie pour occuper les enfants… ».
Je le dis souvent et c’est même devenu mon leitmotiv : il n’y a pas de petits spectacles, il y a des spectacles pour les petits et ce n’est pas du tout la même chose.
Alors, comment sortir de ce cercle vicieux du « petit spectacle d’animation magique low-cost, qui occupera la marmaille dont on a la flemme de s’occuper ! » ?
C’est ce que je me suis attaché à faire en tentant une expérience qui m’obligerait à « casser » les habitudes et à penser autrement.
La problématique
Si le problème de la magie pour enfant est de ne pratiquer dans les faits que de l’animation participative, il fallait que je propose de la magie à des bébés qui n’ont pas encore la capacité de participer…
C’est donc vers des enfants en crèche que je me suis tourné. Au début de ma réflexion et de ma rencontre avec la Directrice de la crèche des Z’acrobates du groupe Crèche Attitude avec laquelle nous avons envisagé ce travail, le spectacle devait s’adresser aux enfants prématernelle (de 2 ans à 3 ans). La raison en était que je connais bien cette tranche d’âge et que je me sentais dans ma zone de confort.
C’était dans compter sur l’équipe des éducateurs et des professionnels de la crèche qui ont trouvé l’idée intéressante dans la mesure où celle-ci ne concernerait pas uniquement « les grands », mais l’ensemble des enfants capables de se déplacer avec une certaine autonomie, c’est-à-dire à partir de 8 mois.
Autant vous dire, que je n’étais plus du tout dans ma zone de confort, mais je devais admettre que si mon but était de « comprendre » l’impact de la magie sur les bébés, je devais en passer par cette étape un peu extrême !
Le développement intellectuel des enfants de 7 à 9 mois.
Grâce à mes formations et rencontres antérieures, je connaissais à peu près les acquis à cet âge.
En résumé :
- Il babille en répétant la même syllabe plusieurs fois. Mais il ne peut pas encore parler de façon intelligible.
- Il est capable de reconnaître certains mots dans des situations familières.
- Il est capable de reconnaître son prénom et de réagir lorsqu’on le prononce.
- Il peut montrer du doigt ou du bras (pointer)
- Il peut dire au revoir en secouant la main.
- Il peut utiliser ses deux mains à la fois et reconnaître la taille et la forme des objets. Suivant la taille de celui-ci, il utilisera une ou deux mains.
- Il a la notion des distances.
- Il est capable de reconnaître certains visages familiers ou certains objets sous plusieurs angles.
- Il a une capacité à utiliser un objet suivant sa fonction. (il secoue la clochette, il presse le jouet en caoutchouc pour lui faire faire du bruit).
- Il cherche un objet qu’on lui a enlevé, mais seulement à l’endroit où il l’a vu la première fois. (Cela est très important pour les magiciens, nous en reparlerons plus tard).
- Il apprend ce que signifie « dedans » et « dehors » et cela le fascine beaucoup, au point de répéter une action de ce type à de multiples reprises.
- Il sait imiter les sons de certains animaux, ou objets (le train, la voiture, le chien…)
- Il est capable d’écouter attentivement et de reconnaître certains mots familiers dans une phrase.
- Il sait ce que « non » veut dire.
Voilà en gros ce que je savais dans la théorie, avec un petit plus en ce qui concernait la Crèche Les Z’acrobates, les bébés y pratiquaient le « Baby Sign », le langage des signes pour les bébés. Connu en France sous l’acronyme “LSB“.
Nous étions au début du mois de novembre, j’avais un peu plus d’un mois pour imaginer un spectacle de magie d’une quinzaine de minutes accessible aux bébés de 8 mois à 2 ans, dans lequel je ne devrai utiliser que les capacités cognitives des plus petits… Un challenge qui me provoqua quelques nuits blanches et pas mal d’angoisse.
Dans le prochain épisode de cet article consacré à la magie pour les bébés, nous verrons l’écriture et la préparation du spectacle, le travail avec les professionnels, la représentation et nous terminerons dans une troisième partie par le retour des éducateurs et des professionnels, quelques mois après le spectacle.
Merci de votre fidélité et n’hésitez pas à participer à cet article par vos questions et réactions.
Peter Din
(à suivre)
Pour des raisons légales, il n’est pas possible de publier les photos des enfants réalisées pendant le spectacle. Les photos de cet article proviennent de bibliothèques libres de droits.
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