Bébé et la Magie (suite)

Magie pour les enfants :

Les Bébés et la Magie (2ème partie)

L’écriture

DécouverteConcevoir un spectacle pour les enfants  en très bas âge, n’est jamais une tâche anodine, cela demande du temps, de la réflexion et de très nombreux aller-retour entre la table de travail et l’atelier de répétition.

Dans le cas qui nous intéresse, je n’avais que très peu de temps et pratiquement aucune possibilité de répéter, tout en ayant l’obligation de proposer aux enfants, un spectacle adapté parfaitement au point, car il est impossible à mon sens de « tester » un spectacle devant un public réel et surtout lorsque celui-ci est composé d’enfants.

Ou la magie est parfaite… ou elle n’existe plus !

Pour répondre à toutes ces contraintes, je ne pouvais pas « inventer » de toute pièce, il fallait que j’utilise dans mon background magique des effets que je connaissais parfaitement et que j’aurai la possibilité de « mettre en scène » de façon cohérente et adaptée.

Je ne pouvais pas ; comme je le pratique habituellement ; construire mon histoire avec un appui texte, car les bébés n’ont que quelques mots en compréhension. De plus mon apprentissage du « Baby Sign » était très/trop sommaire pour pouvoir m’en servir pour asseoir mon discours.

Je me suis donc rapproché d’une l’EJE (éducatrice de jeunes enfants) de la crèche, afin de connaître plus précisément les mots, phrases et actions que les enfants comprenaient. Celle-ci m’a confirmé que les bébés étaient en phase d’assimilation du concept « dedans/dehors », qu’ils avaient un certain nombre de rituels qu’ils pratiquaient quotidiennement avec les professionnels et que cela les rassurerait si j’étais en mesure de les intégrer dans le spectacle. Elle me donna aussi les bases du vocabulaire qu’ils étaient en mesure de comprendre et m’enseigna les rudiments du « Baby Sign » que j’aurai à pratiquer pendant ma prestation.

Je ne vais pas trop entrer dans le détail des effets magiques que j’ai utilisés, car le format de l’écriture “Blog” n’est pas suffisant pour cela. Je réserve donc les détails aux conférences et “Master Class” que je propose tout au long de l’année. Pendant lesquelles j’ai le temps d’expliquer chaque étape pas à pas.

Le thème

Il me sembla très vite évident que je devais proposer un thème sur le concept « dedans/dehors », en y associant des objets du quotidien que les enfants connaissent bien et dont je pouvais travailler aussi sur l’aspect et la texture, afin qu’ils puissent toucher et ressentir physiquement en même temps qu’intellectuellement.

Si je tenais compte de leur développement, je ne pouvais pas utiliser l’artifice traditionnel des magiciens, la disparition-réapparition, car comme je l’écrivais dans le précédent article, les bébés ne conceptualisent pas encore cela. Les choses sont là et n’y sont plus, c’est tout simple. Ils vont chercher l’objet, mais seulement là où ils l’ont vu la première fois, c’est la démonstration en condition réelle de l’expérience pédagogique de « l’erreur A non B ». Concept extrêmement intéressant pour un magicien spécialiste des enfants, je vous invite à l’étudier d’un peu plus attentivement.

Sac en cuirJ’ai donc choisi de travailler sur un concept en cours d’acquisition au sein de la crèche « dedans/dehors » en utilisant aussi l’attraction d’un objet banal, mais fascinant pour les enfants, un très vieux sac en cuir qui contiendrait tous les éléments utiles au spectacle et que les enfants pourraient toucher sans danger et dont la texture douce et chaude, la couleur orangée et les grandes anses arrondies pouvaient être support à découvertes.

À l’intérieur du sac (dedans), j’avais placé un autre petit sac en tissus, rigolo avec son pompon, sa poignée et ses petites franges et dans ce sac, il y avait des rubans de couleurs vives.

Le scénario

Il était simple et répondait à une interrogation spontanée des enfants, « que pouvait faire les rubans lorsqu’ils étaient cachés dans le sac ? »

J’avais le thème, il me restait à le mettre en forme dans le rythme et dans le choix des mots qui accompagneraient la découverte des objets.

En ce qui concerne la magie, je vous laisse imaginer ce qu’il était possible de faire avec ce thème. Tout en tenant compte que je ne devais pas oublier de respecter les impératifs de compréhension expliqués plus avant.

Pour conclure le spectacle, l’EJE m’avait conseillé de clôturer la représentation par une liaison avec l’activité suivante, dans le cas du 1er groupe, c’était le retour aux activités normales, pour le second la préparation pour le déjeuner. Dans la crèche, tous ces instants sont illustrés par des chansons. Nous terminerions donc le spectacle en chanson avec l’apprentissage de deux comptines en « Baby Sign », afin que les enfants puissent « chanter » / « mimer » avec moi. La participation de mon « Doudou » Bobby était de circonstance, il ferait donc partie des passagers du vieux sac en cuir.

La représentation

Un problème se posait, l’acceptation d’un intrus dans le milieu très protégé de la crèche, afin que les 15 minutes prévues pour le spectacle ne soient pas amputées du temps d’observation et de familiarisation indispensable ?

Car, comme vous l’avez sans doute compris, il ne s’agissait pas d’asseoir les enfants devant une scène afin d’y consommer un spectacle extérieur comme cela se fait traditionnellement, mais bien d’interagir avec eux et cela dans un groupe restreint d’une dizaine d’enfants installés sur le tapis d’activité. C’est en cela que la problématique devenait intéressante et que nous devions trouver la bonne proposition.

Après concertation avec l’EJE, il fut décidé, que ce n’était pas les enfants qui viendraient à moi, mais au contraire que le magicien aille à la rencontre des enfants dans leur section et que ceux-ci me guident vers le la salle d’activité prévue pour la représentation et qui ne serait en aucun cas transformée par des éléments extérieurs inhabituels. Donc une autre contrainte, ne pas avoir le besoin d’une installation préalable.

Je dois avouer que j’avais quelques craintes sur cette partie, car je ne savais pas comment les enfants allaient réagir à mon intrusion dans leur univers. Le costume, le personnage et sans doute un peu l’expérience rendit les choses très simples et c’est le plus naturellement du monde qu’à chacune des deux séances, le ou la plus jeune de section me prit par la main et me conduisit sur les lieux du spectacle en une sorte de petite procession qui permit aux enfants de me découvrir. Une fois que chacun fut assis en rond sur le tapis autour de mon vieux sac en cuir, le spectacle commença.

Un pilotage à vue…

C’est l’expression que j’aime à utiliser, lorsque je parle de ma façon de travailler avec les enfants, car elle résume parfaitement la situation.

Un des avantages de l’expérience est d’être en mesure d’être en même temps acteur de son spectacle et observateur de celui-ci. En effet, avec le temps, on apprend à « jouer », c’est-à-dire « vivre avec sincérité une situation donnée », tout en étant en capacité de juger en temps réel de l’impact de ce jeu sur les spectateurs. Attention, il ne faut surtout pas être spectateur de son jeu, car cela aurait des conséquences très néfastes sur la qualité de celui-ci et surtout sur la perte de la sincérité.

Dans le cas d’un travail avec des bébés ou de très jeunes enfants, cela prend toute son importance. Savoir interpréter les regards, les attitudes, les postures, nous livre une quantité d’informations, qui permettent cette « adaptation » instantanée.

Pour ce spectacle, j’ai beaucoup observé les enfants, comme je le fais habituellement, mais j’ai aussi observé énormément les réactions des professionnels. Pour une dizaine d’enfants, il y avait 5 ou 6 adultes : les éducatrices, puéricultrices, assistantes… qui vivaient le spectacle en même temps que mes jeunes spectateurs et je savais qu’il était indispensable que je m’inspire de leur fonctionnement pour obtenir l’adhésion immédiate des enfants.

Nous sommes des artistes, nous connaissons notre rôle, nos techniques, mais nous n’avons aucune idée de l’impact que peut avoir une mauvaise posture, un mot maladroit, un geste trop « théâtral » sur les enfants. J’admire énormément les professionnels de la petite enfance, car elle représente la quintessence de la « bienveillance » réfléchit. Dans son dernier livre « On fait comme si… », Benoit Rosemont écrit « le magicien pour enfant doit être gentil ». Il n’y a rien de plus vrai, mais il faut y ajouter impérativement le complément : et il doit savoir pourquoi !

C’est au contact des professionnels de la petite enfance, que vous apprendrez le mieux, ce que représente la bienveillance envers les enfants. Pour ma part, je préfère le mot bienveillance, plutôt que gentillesse, bien que cela soit très proche dans l’esprit.

Pour illustrer ce propos sur la bienveillance réfléchie, je vais vous raconter une anecdote que m’a racontée une EJE.

EJEPourquoi voulez-vous travailler pour les enfants ?

Lors de sa première journée à l’école d’éducateur, un formateur a posé cette question : « Pourquoi voulez-vous travailler pour les enfants ? », une étudiante a répondu : « parce que j’aime les enfants ! » et le formateur lui a répliqué du tac au tac : « les pédophiles aussi ! »

La réponse était cinglante, voire un peu choquante. Mais que voulait démontrer le formateur ? Aimer les enfants ne suffit pas pour travailler pour eux. Il faut beaucoup plus que cela. En tant que magicien, nous avons l’expérience, la technique et je l’espère un peu de talent. Mais nous ne savons pratiquement rien sur la pratique au quotidien auprès des enfants et nous devons nous inspirer obligatoirement de ceux qui savent.

Pendant mon spectacle, j’ai donc observé les réactions des professionnels, j’ai lu dans leur regard l’approbation, l’intérêt, la validation de ce que je faisais et ce fut pour moi une aide précieuse.

Je garde cependant une certaine frustration, celle-ci étant d’ailleurs habituelle. Comment analyser le ressenti des enfants ? Qu’ont-ils retenu de ce moment de magie ? Ont-ils vécu une émotion magique ? L’ont-ils comprise ?

À la fin des représentations, on reste avec ses interrogations et il faut attendre les retours pour percevoir une partie de la réponse. C’est ce que nous verrons dans la suite de cet article, avec la vision des professionnels de la crèche.

Pour conclure je voudrais remercier les professionnels et la directrice de la Crèche “Les Z’Acrobates” de Trappes, du groupe Crèche Attitude sans qui je n’aurai pas pu réaliser cette expérience artistique.

(à suivre)

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *